mardi 31 décembre 2013
mardi 24 décembre 2013
dimanche 22 décembre 2013
dimanche 8 décembre 2013
Le Foulto de Noël
...
C’était
un de ces hivers où les maisons ont de grandes dents. De longs crocs blancs ayant
poussés sur les gouttières. Un de ces hivers où les maisons mangent les
gens et les gardent bien au chaud au
creux de leur ventre de pierres.
Des
hivers aussi froids, le village de Pirey en avait rarement connu de pire. Un hiver aux arbres nus. Un hiver glacial qui
sentait le charbon. Un hiver qui piquait les yeux. Un hiver, disait grand-père,
ou les corbeaux volaient sur le dos pour
ne pas voir la misère des hommes. Un hiver au ciel gris où Noël se prenait pour
la Toussaint.
En
ce temps-là, la famille Barbizier habitait rue des Néfliers. Ici se regroupaient tout
ceux du village qui n’avait presque rien pour vivre. Et cette année-là ce
presque rien se réduisait à peau de chagrin. Dame Misère avait fait son nid dans
toutes les maisons du quartier. Aussi, depuis longtemps, la mère Barbizier avait
prévenu ses enfants : Il n’y aurait
pas de cadeaux cette année. Pas de jolis paquets sous le sapin. Le père Noël
était fauché. (On notera en passant que d’une
certaine manière le fait que le père noël n’ait pas d’argent pour acheter des
cadeaux pouvait passer pour une preuve supplémentaire de son existence).
Sous le toit de la famille Barbizier cohabitaient plusieurs générations. Les
trois enfants, les deux parents et le grand-père. Le vieux Barbizier. Un
bonhomme plutôt épatant que les malheurs n’avaient pas épargné. Il avait connu deux guerres dont l’une lui
avait volé un bras mais jamais on ne l’entendait se plaindre. C’était un homme
étrange qui à 73 ans regardait l’existence avec des yeux d’enfant. « Ce n’est pas parce qu’on est pauvres qu’on
n’a pas droit au merveilleux » répétait-il souvent. D’ailleurs,
c’était lui qui chaque soir racontait des histoires de fées ou de lutins à ses petits-enfants pour qu’ils
fassent de doux rêves. Pour eux, cette
année de disette, il se fit même braconnier. Un soir quelques jours avant Noël,
le vieux Barbizier ramena à la maison, un petit sapin vert, quelque peu rabougri,
qu’il avait été maraudé dans un chemin creux de la forêt communale. Même si c’était le plus
affreux sapin qu’on ait jamais vu, les
enfants furent ravis par cette bonne surprise. Ils s’activèrent bien vite à le décorer avec
les moyens du bord. Cet enthousiasme enfantin obligea la mère Barbizier à
répéter une fois encore que cette année il n’y aurait pas de cadeaux de Noël. Rien, peau de balle. Elle ne voulait pas que
ses enfants se fassent d’illusions. Par les temps qui courent, un sapin moche c’était déjà bien beau!
Pour le réveillon du 24 décembre, toute la
famille Barbizier mangea des patates à
l’eau comme chaque soir mais, tout de même, comme c’était Noël chacun put y ajouter un peu de sel !
Au
matin de Noël, le plus jeune des enfants Barbizier poussa un cri de joie qui
réveilla toute la maisonnée. Sous le modeste sapin décoré de gui, de houx et de
vieilles pommes de pin reposaient une famille de cadeaux surprenants. Un pour
chacun. Des paquets emballés dans du vieux papier journal et ficelés d’une
flopée de nœuds biscornus. Devant ce
spectacle inexplicable, les six Barbizier, du plus jeune au plus vieux avaient
yeux ronds et bouche bée. Avec une lenteur incrédule ils commencèrent à
déballer les cadeaux. Dans un silence presque religieux, Ils mirent longtemps à
dénouer les ficelles. Puis enfin le père découvrit le sien. C’était une
casquette. Sa vieille casquette qu’il mettait toujours pour aller aux
champignons. Et qui s’était envolée un jour de grand vent. La benjamine elle
trouva dans son paquet une ancienne poupée.
Jadis, si moche si démantibulée que sa mère avait finit par la jeter à la
poubelle. Elle lui revenait toute rafistolée avec une robe d’arlequin tissée
d’une multitude de petits bouts de chiffons colorés. Pour la mère ce fut une
boucle d’oreille qu’elle croyait avoir perdu un soir d'été dans l’autobus. Le grand père reçut
un vieux marteau égaré voilà de nombreux mois.
Une
fois que tout fut déballé, ils se regardèrent tous avec des étoiles qui
brillaient dans leurs yeux. Tous biens heureux d’avoir retrouvé ces choses
familières. Ce bonheur là, ce bon et doux bonheur, il le devait, sans doute, au
Foulto.
Oui !
Le Foulto qui, des mois auparavant, avait subtilisé tous ces objets pour leur en
faire la surprise au matin de Noël. Le Foulto, ce lutin de la maison. Qui
d’après grand-père habitait depuis toujours dans un coin sombre du grenier.
Celui qui toute l’année égare les objets. Glisse des puces sous votre oreiller ou
met trop de sel dans la soupe. Quand
après la lessive, il manque une chaussette, c’est à coup sûr le Foulto qui l’a
chipé. Le vieux Barbizier disait que c’était pour s’en faire un nouveau bonnet.
A bien y regarder le Foulto faisait lui aussi parti de la famille Barbizier.
C’était lui cette année-là qui avait joué à sa façon le rôle du gros bonhomme rouge et avait en ces temps de misère
offert à la famille Barbizier son plus beau matin de Noël.
*
vendredi 29 novembre 2013
La Jument Verte raconte....
Pour tout savoir sur mon activité de conteur, découvrez un site tout nouveau tout beau ! ( mille et un mercis à Aurélie ! la super webmaster) et un grand merci aussi à mister A.Dan pour le logo!)
dimanche 24 novembre 2013
la balançoire des fées
Quand les Bergeret déménagèrent dans ce petit
village de la vallée du Doubs, la cadette de la famille ne fut guère enchantée.
Si son frère et ses parents ne voyaient rien à redire au fait de s’installer
dans un patelin qui s’appelait Fessevillers ;
la petite Sophie, elle, en fut très contrariée. Elle trouvait ce nom
« cucul la praline ». Sophie n’avait même pas osé le prononcer devant
ses camarades d’école.
Fessevillers ! A son avis, on ne pouvait pas trouver de nom plus
ridicule dans toute la Franche-Comté.
Quand elles l’appendraient, sûr que ses copines n’allaient pas se priver
de se moquer d’elle. A la récréation, ces petites pestes iront raconter à tout le monde que Sophie Bergeret
habitait maintenant le « village
des fesses ». Rien que d’y penser, Sophie marmonnait des gros mots et
faisait des grimaces hystériques. Ce déménagement ne lui plaisait vraiment pas.
Ayant quitté la ville et son bon air parfumé de gaz d’échappement, la fillette jugea d’abord que son nouveau
pays sentait la bouse de vache. Ensuite,
Sophie décréta que sa nouvelle maison
était infestée d’araignées et de crottes de souris. Là, la petite exagérait
effrontément, même si durant les quelques années où la maison n’avait pas été
habitée, araignées et souris y prirent quelques mauvaises habitudes. Pour bien
afficher sa mauvaise humeur, la gamine passait des heures, avachie sur le
canapé du salon, plongée dans Les
Malheurs de Sophie, le célèbre roman pour enfants de la comtesse de Ségur.
Sa mère, pour plaisanter, lui avait dit qu’elle devrait plutôt lire Un bon Petit Diable. Sophie Bergeret ne
daigna même pas lui concéder un sourire.
Par chance, au bout de quelques jours, Sophie
Bergeret eut la bonne surprise de découvrir une vieille balançoire abandonnée
dans le fond du jardin. Sa bouderie disparut aussitôt. Son père prudent en
testa la solidité avant de l’autoriser à jouer dessus. Malgré son âge avancé,
la balançoire semblait construite pour durer mille ans. Dorénavant, Sophie
passa le plus clair de son temps dans le jardin. A se balancer. Ses parents et
son frère plus encore furent bien soulagés de ne plus l’entendre ronchonner à
longueur de temps. A coup sûr, cette balançoire était un don des fées !
Accrochée sur une haute branche d’un énorme tilleul, elle permettait à Sophie
de vivre des aventures extraordinaires. Tantôt, elle s’imaginait volant sur le
dos d’un aigle géant ou bien elle se voyait en reine des pirates naviguant vers
des iles aux trésors. On ne saurait dire toutes les histoires qu’une vieille
balançoire peut se montrer capable d’inventer. La magie continuait même quand
Sophie dormait : la nuit, la fillette rêvait qu’elle se dandinait sur une
balançoire étincelante accrochée au croissant de lune.
Sophie
Bergeret habitait Fessevillers depuis une semaine ; quand, une nuit de
juillet, un petit couinement métallique la réveilla brusquement. Les yeux à
peine ouverts, elle sut que c’était sa balançoire qui l’appelait. De la fenêtre
de sa chambre, la fillette pouvait, à la lumière des étoiles, l’apercevoir qui
bougeait toute seule. D’abord, Sophie pensa que c’était le vent qui l’agitait.
Mais bien vite elle remarqua que les feuilles des arbres ne bougeaient pas. Le
grincement continuait à un rythme régulier Ca ressemblait à une comptine
lointaine ou au rire légers d’une souris de dessin-animé. Sophie devait être la
seule à l’entendre. La chambre de son frère comme celle de ses parents ne
donnaient pas sur le jardin. La fillette resta encore quelques secondes à
regarder la balançoire aller et venir. Ce n’était pas un grand mouvement juste
quelques centimètres. Juste de quoi l’appeler.
Sans
allumer la lumière, Sophie descendit
prudemment l’escalier puis elle sortit de la maison par la porte de
derrière. A petits pas, elle marcha
pieds nus sur l’herbe douce du jardin. En
arrivant près du vieux tilleul l’enfant constata que la balançoire
restait sagement immobile. Sans rien comprendre, elle fit une petite moue
perplexe en haussant les épaules.
C’était tout de même une situation très étrange que de se retrouver tout
seule dans le jardin au plein cœur de la nuit.
Sophie aimait bien, elle décida donc d’en profiter. A peine assise sur la balançoire celle-ci se
mit à se mouvoir à nouveau paisiblement. Comme une barque bercer par les
vagues. La fillette n’avait nul besoin d’agiter ses bras et ses jambes.
Y’avait-il au monde quelque chose de plus délicieux que d’être bercer ainsi sous les étoiles ?
La fillette de sept ans devinait que cette nuit-là tout pouvait arriver.
Imperceptiblement
de petites lueurs vinrent tournicoter autour de l’escarpolette. Sophie
s’émerveilla en pensant qu’il s’agissait de lucioles mais en plissant les yeux
elle distingua des dames minuscules aux ailes de libellules ou de papillons.
Par magie, elles guidaient la balançoire. Petites fées qui offraient à Sophie
son plus fabuleux souvenir d’enfant.
Cette belle nuit bleue d’été, Sophie ne regrettait
plus d’avoir quitté la grande ville.
Alors qu’elle se balançait en regardant le ciel étoilé, Sophie Bergeret
vit, tout-à-coup, les petites lumières blanches s’agiter. Eberluée, elle les
vit s’assembler dans le noir pour former en pointillé le mot Fée. Cette constellation inédite ne
dura que quelques secondes. Juste le temps de cligner des yeux. Alors, une voix
très douce lui souffla à l’oreille que son village possédait un nom secret, il
s’appelait en vérité : Féevillers, le « village des
fées ».
mercredi 20 novembre 2013
un rire minuscule
C’était en novembre. Un après-midi froid et
lumineux. C’était à quelques kilomètres de Vesoul. Il y avait une voiture
blanche garé sur le bas côté d’une route. Il y avait aussi un jeune homme qui
fumait une cigarette. Il faisait des ronds de fumée. Un jeune homme qui
regardait la route déserte. On entendait des cris de corbeaux qui se
chamaillaient à la cime de vieux sapins et aussi le bruit féroce d’une
tronçonneuse dans le lointain. Le jeune homme s’appelait Dany. Dany ne savait
pas trop pourquoi il était revenu mais le jeune homme se trouvait là. Bel et bien là. Au même
endroit. Une des rares routes de Haute-Saône où le taux d’accident automobile
n’affolait pas les statistiques. Ici on voyait surtout circuler des tracteurs
et de vieilles mobylettes. Une petite route de campagne légèrement en pente qui
montait vers un vieux calvaire à travers bois et pâtures. Un endroit surtout
fréquenté par les psychopathes dépressifs en hiver et les jeunes couples
d’amoureux au printemps. Dany, tout en fumant, repensait à ce qui lui était arrivé, il y a
quelques mois. Le film de son souvenir défilait devant ses yeux. Il roulait au petit bonheur quand sa voiture avait
finit par déboucher dans ce coin-là. C’était arrivé un après-midi d’automne, un jour où Dany étrennait
son permis de conduire tout neuf avec la Peugeot de son père.
Çà avait surgit de nul part. C’était arrivé tout d’un
coup. Çà avait traversé la route
juste devant ses roues. Dany n’avait même pas freiné mais donné un brusque coup
de volant pour l’éviter. La voiture
était comme on dit parti dans le décor. A moitié renversée dans le fossé, elle
s’était méchamment cabossée contre un vieux muret de pierres. Dany s’en était
tiré avec une grosse frayeur et de petites égratignures. La voiture avait moins
eut de chance.
Dany s’en souvenait parfaitement. Çà ressemblait à un chat ou à une
fillette. Un peu au deux. Si c’était un chat, il courait debout sur ses pattes
arrières. Et si c’était une fillette, elle était très petite et avait de
grandes oreilles pointues. Dany se souvenait que çà avait les yeux verts. Çà
l’avait regardé juste une fraction de seconde avant de se faufiler dans les fourrés
de l’autre côté de la route.
Quand il avait ouvert la portière et s’était
extirpé de la voiture accidentée, Dany avait les jambes molles, les mains tremblantes et le cœur tambourinant. Il
avait un peu titubé en marchant sur le goudron de la route et là il avait
entendu quelque chose. Dany en était presque certain. Il avait entendu rire. Pas un rire tonitruant,
rien de très sonore mais il l’aurait juré, on riait. Un petit rire moqueur.
Depuis l’accident, Dany n’avait pas cessé de
repenser à ce rire minuscule. Ce rire l’obsédait. Qui pouvait rire d’un accident ? C’est çà qu’il se demandait. C’est
pour çà qu’il était revenu. Pour çà qu’il fumait sur une route déserte. En
espérant trouver une réponse. Mais est-ce
que les rires ont une réponse ? Quand son père lui avait demandé
comment il s’était débrouillé pour bousiller sa Peugeot sur une route droite à
soixante à l’heure et sans la moindre circulation. Dany n’avait pas bien sut
lui répondre. Faut se mettre à sa place. Difficile de dire que c’était la faute
d’une fillette avec des oreilles de chat ! Même si on n’a pas d’autre
explication, une comme çà, on la garde pour soi. On ne va pas la crier sur les
toits. Personne n’a très envie de passer pour un zinzin aux yeux de ses
contemporains. Apercevoir une fillette avec des oreilles de chat quand on est
ivre ou drogué passe encore. Mais quand on est dans son état normal c’est un
tantinet inquiétant. Dany avait lutté pour ne plus y penser mais il n’y était
pas arrivé. Il avait beau faire, il ne pouvait s’empêcher de penser que c’était
cette apparition de gamine féline qui avait rigolé. Mais quoi ? Qu’est-ce
qu’il croyait ? Qu’en revenant sur cette route, il allait la revoir ?
Peut-être même l’attraper ? Tout cela frisait le ridicule. Oui, au bout
d’un moment Dany a pensé c’était sans doute un peu stupide d’être revenu. Alors
il s’est décidé à repartir. Sans réponse. Il a écrasé son mégot sur le goudron.
Dany se dirigeait vers sa voiture. Une Peugeot
blanche qu’il avait acheté d’occasion. Dany n’a pas comprit tout de suite. Il
regardait la voiture blanche. Très lentement d’abord, elle s’est mise à
reculer. A glisser inexorablement en marche arrière sur la petite route en
pente. Pourtant il était certain d’avoir serré le frein à main ! Quand
Dany s’est enfin mis à courir, c’était bien trop tard. La voiture avait déjà prit
de la vitesse. Essoufflé, effaré Dany l’a regardé filer à toute allure vers un gros poteau électrique. Un de ces affreux piliers en bêton. On avait
l’impression que la voiture blanche le visait. Elle l’a percuté de plein fouet.
Un baiser de la mort ! Sous le choc
le poteau a été arraché de son socle et la voiture a finit sa course folle dans
un champ de patates. Elle avait l’air d’une épave. Et là, Dany a entendu rire.
Un petit rire moqueur.
lundi 11 novembre 2013
le tourbillon-enchanteur
Comme une mauvaise herbe impossible à
éradiquer, la rumeur de la Houillère renaissait régulièrement sur les
langues des commères du village. Agile comme une couleuvre, elle se faufilait dans
les croustillants radotages des boulangeries, dans les papotages ébouriffants des salons de
coiffure, dans les blagues apéritives des bistros champêtres et dans les
bavardages puérils des cours de récréations. En vrai de vrai, une ou deux fois par an, la
rumeur se propageait aussi vite qu’une épidémie de gastro-entérite. Dans son
genre, elle n’était pas très vieille ; pas assez rabâchée pour s’être métamorphosée en légende locale. Cela faisait
à peine une dizaine d’années qu’elle
sévissait dans le coin. Là-bas, on murmurait que certaines personnes avaient
mystérieusement disparut sur la vieille route qui traverse la forêt de la
Houillère. Oui, à ce qu’on en savait les victimes étaient surtout des
promeneurs du dimanche et un ou deux auto-stoppeurs. Enfin c’est ce qu’on
racontait avec les lèvres pincées et les sourcils froncés.
Des gens qui disparaissent sans explication comme évaporés dans l’air, on peut le
comprendre, çà fout la pétoche aux
autochtones. A presque tous. Les gens veulent bien mourir puisque c’est une
chose normale qui arrive à tous mais disparaitre, ça ils n’ont pas très envie. Ca ce n’est pas très
catholique.
N’allez surtout pas croire que dans ce
coin-là, on était plus superstitieux, plus crédules qu’ailleurs. Pas du tout.
Ici, les légendes de Dames Blanches qui
font de l’auto-stop, les racontars sur les gitans qui jettent des mauvais
sorts, les vieilles histoires sur les maisons hantées ; de tout cela on en
rigolait, on en plaisantait à voix haute. On appelait çà des fariboles. Par contre, des disparitions de la Houillère
on n’en parlait pas facilement et si on le faisait c’était toujours à voix basse. Les disparitions ce
n’était pas de la rigolade.
La petite route qui traverse la forêt de la Houillère
n’avait jamais été très fréquentée. Mais depuis que rôdait la rumeur des mystérieuses
disparitions c’était devenu l’endroit à éviter. Le lieu maudit de la région. Plutôt que de l’emprunter beaucoup
d’automobilistes préféraient faire un détour de plusieurs kilomètres. Chasseurs, joggeurs et chercheurs de
champignons avaient totalement déserté ce secteur forestier. A un
moment l’affaire était devenue si grave que le conseil municipal avait été tenté
d’installer à l’entrée de la route des panneaux de signalisation indiquant : « attention risque de disparition ! ».
Ce
matin-là, il y avait une femme qui promenait son chien. Elle s’appelait madame
Martin, c’était une nouvelle habitante du village. Elle avait fait construire un petit pavillon,
pas très loin de la forêt de la Houillère.
Elle arrivait de Besançon et elle était très contente de vivre
maintenant à la campagne. Elle disait que la vie ici était beaucoup plus calme
qu’en ville. Personne au village ne lui
avait parlé de la rumeur. Une rumeur çà
a vite fait de faire chuter le prix de l’immobilier. Alors on n’en parle pas à
tout le monde.
Depuis
qu’elle vivait là, Madame Martin promenait son chien tous les matins entre onze
heures et midi. Elle ne le voyait pas
encore mais ce matin-là, il y avait un petit tourbillon de feuilles mortes qui
s’agitait au milieu de la route déserte.
D’abord,
c’est le chien, le caniche abricot, qui a
vu cette petite chose étrange. Ce petit tourbillon. Une sorte de tornade
lilliputienne. Ça courait au ras du sol en agaçant la poussière de la route.
Madame Martin en l’apercevant à son tour a sourit et a trouvé le spectacle
enchanteur. Oui c’est ce mot là qui lui est venu à l’esprit « enchanteur ». Ça n’a l’air de rien
un petit tourbillon. On se dit qu’on n’a rien à craindre. Que personne ne peut
avoir peur de ça. Mais voilà, ce matin-là, plus la femme s’approchait et plus
le tourbillon grossissait. Il y avait de
plus en plus de feuilles mortes qui s’agitaient. En rien de temps c’est devenu
comme un essaim géant. Une chose mystérieuse et grouillante. Une chose qui a
finit par avaler madame Martin.
Le
tourbillon l’a enveloppé puis a très vite formé autour d’elle une sorte de
chrysalide. C’était doux et plutôt confortable.
Telle
une chenille enfermée dans son cocon, madame Martin est restée une petite heure
prisonnière du tourbillon. Et puis brusquement il l’a relâché…recraché !
Madame
Martin se retrouva totalement transformé, elle était devenue… un écureuil ! Oui
le petit tourbillon était magique, enchanteur,
il changeait en animaux, les humains qu’il rencontrait. Les gens ne
disparaissaient pas vraiment, ils devenaient des animaux sauvages.
Alors
si d’aventure, un de ces jours, vous
veniez à passer sur la route qui traverse la forêt de la Houillère ; vous
verrez c’est un endroit où l’on rencontre beaucoup d’animaux. Ils ne sont pas
farouches et ils ont l’air bien heureux de leur existence. Et si vous avez envie de changer de vie, vous
pouvez toujours vous mettre en quête de ce petit tourbillon. Moi, je vous
verrais bien transformé en renard ou en petite souris…
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