Ce
dimanche matin marquait le vrai début du Printemps. Il était à peine neuf
heures et Madame Lesieur avait déjà des rougeurs sur les joues. Madame Lesieur semblait
sortir tout droit d’une publicité pour des outils de jardins. Gantée de cuir
rouge, bottée de caoutchoucs verts et coiffée d’un coquet petit chapeau de
paille, elle ressemblait à s’y méprendre à une vieille réclame de catalogue
horticole. Ce dimanche matin, encouragé par un soleil éclatant, madame Lesieur
avait décidé de commencer son grand nettoyage de printemps. Les cerisiers venaient tout juste de fleurir,
il était grand temps pour elle de se mettre au travail. Son grand jardin qui faisait sa fierté et
son bonheur durant tout l’été donnait pour l’heure un spectacle quelque peu
désolant. Jonchés de feuilles et branches mortes, parsemé de plantes flétries,
son cher jardin semblait frappé d’un mauvais sort. Madame Lesieur n’allait pas ménager ses
efforts pour lui faire retrouver sa splendeur. Dans ce village du pays de Montbéliard, le
jardin de madame Lesieur était, au fil des années, devenu une sorte
d’attraction municipale. A la belle saison, badauds et curieux venaient
l’admirer en s’agglutinant devant la petite palissade blanche qui délimitait la
propriété de madame Lesieur. Certains prenaient des photos, d’autres fermaient
les yeux et respiraient à plein poumons pour s’enivrer des délicieux parfums
qui s’envolaient des parterres fleuris. A la fin de l’année scolaire, les écoliers de
la commune avaient le privilège de pouvoir le visiter. La belle jardinière leur servait de guide en
leur murmurant comme des noms magiques quelques noms de fleurs puis à l’ombre
d’un vieux pommier, elle leur servait un goûter magique avec tartes aux fraises
et sirop de framboises. Pour bien des gamins du village madame Lesieur passait
pour une sorte de gentille sorcière.
Madame
Lesieur n’était pas une adepte des jardins trop bien peignés. Elle s’efforçait
de donner à son paradis végétal un petit air sauvage et merveilleux. Elle semait
et plantait dans une sorte de désordre organisé.
Ce
dimanche matin, à genoux dans la terre, madame Lesieur arrachaient avec application les herbes
inopportunes. Elle en avait déjà rempli une brouette quand Elle repéra une
petite plante qui avait timidement poussé sous les feuilles morte, elle allait pour
l’arracher mais au dernier moment
quelque chose arrêta son geste.
Madame
Lesieur ne le savait pas encore mais
cette plante n’était pas ordinaire. Sa graine vagabonde avait voyagé longtemps
dans les bras du vent avant de venir se planter dans son jardin. Elle venait
d’Avalon, l’île des fées.
Bien
vite Madame Lesieur n’a plus songé à la petite plante sauvage qui s’était
installé clandestinement au milieu de ses bleuets, iris, tulipes et myosotis. Enfin,
Le mois de juin est arrivé et cette année là son jardin était vraiment
magnifique. Plus beau encore que les autres années. Un véritable paradis
végétal. Madame Lesueur ne se lassait pas de le contempler. Elle en était comme
amoureuse. Et cette idée farfelue lui faisait rosir les joues. Souvent elle
s’installait sur une chaise longue sous le gros pommier et elle restait là des
heures à rêvasser. A suivre les arabesques virevoltantes des papillons. Durant
ces moments si paisibles, madame Lesieur
ne pensait plus avec des mots. Il lui venait alors des pensées en couleurs. Des
pensées roses ou violettes. Des pensées comme des fleurs. Un jour arriva où la jardinière s’attarda dans
sa contemplation encore plus longtemps qu’à l’ordinaire. Elle ne se décidait
pas à rentrer sous son toit. La nuit commençait à tomber quand parfaitement
incrédule elle remarqua d’étranges insectes qui tournoyaient au beau milieu du
jardin. Et tout à coup une plante s’est mise à scintiller. Une plante superbe
qui se faisait aussi lumineuse qu’un sapin de Noël. Madame Lesieur en restait bouche bée. Éberluée. C’est sur ses fleurs que les
curieux insectes venaient butiner. Des insectes qui – maintenant que madame
Lesieur avait chaussé ses lunettes- ressemblait fort à de minuscules fillettes
ailées. Alors ce fut l’instant de la révélation, de l’illumination. La petite
plante que madame Lesieur avait judicieusement épargné était une herbe à
fées ! Elle attirait les petites donzelles magique dans son jardin et
c’était sans aucun doute pourquoi cette année il encore plus magnifique. Madame Lesieur est resté si longtemps
fascinée par la danse aérienne qu’elle a finit par s’endormir dans sa chaise
longue. Quand le clocher l’a réveillé en sonnant minuit. Le jardin était
entièrement recouvert par la pénombre. Avait-elle juste rêvé la venue des fées ? Cette question allait
continuer de la hanter jusqu’à la fin de ses jours. Car une chose restait
certaine : son jardin ne fut jamais aussi beau que cet été là.
Alors
Je suis sûr maintenant que vous y réfléchirez à deux fois avant de déterrer une mauvaise herbe dans votre jardin car se
serait tout de même bien bête d’arracher une herbe des fées. Enfin, c’est vous
qui voyez...