lundi 24 février 2014

La plante à fées





 


Ce dimanche matin marquait le vrai début du Printemps. Il était à peine neuf heures et Madame Lesieur avait déjà des rougeurs sur les joues. Madame Lesieur semblait sortir tout droit d’une publicité pour des outils de jardins. Gantée de cuir rouge, bottée de caoutchoucs verts et coiffée d’un coquet petit chapeau de paille, elle ressemblait à s’y méprendre à une vieille réclame de catalogue horticole. Ce dimanche matin, encouragé par un soleil éclatant, madame Lesieur avait décidé de commencer son grand nettoyage de printemps.  Les cerisiers venaient tout juste de fleurir, il était grand temps pour elle de se mettre au travail.   Son grand jardin qui faisait sa fierté et son bonheur durant tout l’été donnait pour l’heure un spectacle quelque peu désolant. Jonchés de feuilles et branches mortes, parsemé de plantes flétries, son cher jardin semblait frappé d’un mauvais sort.  Madame Lesieur n’allait pas ménager ses efforts pour lui faire retrouver sa splendeur.  Dans ce village du pays de Montbéliard, le jardin de madame Lesieur était, au fil des années, devenu une sorte d’attraction municipale. A la belle saison, badauds et curieux venaient l’admirer en s’agglutinant devant la petite palissade blanche qui délimitait la propriété de madame Lesieur. Certains prenaient des photos, d’autres fermaient les yeux et respiraient à plein poumons pour s’enivrer des délicieux parfums qui  s’envolaient des parterres fleuris.  A la fin de l’année scolaire, les écoliers de la commune avaient le privilège de pouvoir le visiter.  La belle jardinière leur servait de guide en leur murmurant comme des noms magiques quelques noms de fleurs puis à l’ombre d’un vieux pommier, elle leur servait un goûter magique avec tartes aux fraises et sirop de framboises. Pour bien des gamins du village madame Lesieur passait pour une sorte de gentille sorcière.

Madame Lesieur n’était pas une adepte des jardins trop bien peignés. Elle s’efforçait de donner à son paradis végétal un petit air sauvage et merveilleux. Elle semait et plantait dans une sorte de désordre organisé.

Ce dimanche matin, à genoux dans la terre, madame Lesieur   arrachaient avec application les herbes inopportunes. Elle en avait déjà rempli une brouette quand Elle repéra une petite plante qui avait timidement poussé sous les feuilles morte, elle allait pour l’arracher  mais au dernier moment quelque chose arrêta  son geste.

Madame Lesieur ne le savait  pas encore mais cette plante n’était pas ordinaire. Sa graine vagabonde avait voyagé longtemps dans les bras du vent avant de venir se planter dans son jardin. Elle venait d’Avalon, l’île des fées.

Bien vite Madame Lesieur n’a plus songé à la petite plante sauvage qui s’était installé clandestinement au milieu de ses bleuets, iris, tulipes et myosotis. Enfin, Le mois de juin est arrivé et cette année là son jardin était vraiment magnifique. Plus beau encore que les autres années. Un véritable paradis végétal. Madame Lesueur ne se lassait pas de le contempler. Elle en était comme amoureuse. Et cette idée farfelue lui faisait rosir les joues. Souvent elle s’installait sur une chaise longue sous le gros pommier et elle restait là des heures à rêvasser. A suivre les arabesques virevoltantes des papillons. Durant ces moments si paisibles,  madame Lesieur ne pensait plus avec des mots. Il lui venait alors des pensées en couleurs. Des pensées roses ou violettes. Des pensées comme des fleurs.  Un jour arriva où la jardinière s’attarda dans sa contemplation encore plus longtemps qu’à l’ordinaire. Elle ne se décidait pas à rentrer sous son toit. La nuit commençait à tomber quand parfaitement incrédule elle remarqua d’étranges insectes qui tournoyaient au beau milieu du jardin. Et tout à coup une plante s’est mise à scintiller. Une plante superbe qui se faisait aussi lumineuse qu’un sapin de Noël.  Madame Lesieur en restait bouche bée. Éberluée. C’est  sur ses fleurs que les curieux insectes venaient butiner. Des insectes qui – maintenant que madame Lesieur avait chaussé ses lunettes- ressemblait fort à de minuscules fillettes ailées. Alors ce fut l’instant de la révélation, de l’illumination. La petite plante que madame Lesieur avait judicieusement épargné était une herbe à fées ! Elle attirait les petites donzelles magique dans son jardin et c’était sans aucun doute pourquoi cette année il encore plus magnifique.  Madame Lesieur est resté si longtemps fascinée par la danse aérienne qu’elle a finit par s’endormir dans sa chaise longue. Quand le clocher l’a réveillé en sonnant minuit. Le jardin était entièrement recouvert par la pénombre. Avait-elle juste rêvé  la venue des fées ? Cette question allait continuer de la hanter jusqu’à la fin de ses jours. Car une chose restait certaine : son jardin ne fut jamais aussi beau que cet été là.

Alors Je suis sûr maintenant que vous y réfléchirez à deux fois avant de déterrer  une mauvaise herbe dans votre jardin car se serait tout de même bien bête d’arracher une herbe des fées. Enfin, c’est vous qui voyez...

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