Comme
depuis belle lurette, je passe une bonne partie de mon temps à raconter des histoires
de fées ou de lutins, j’ai fini par devenir un féericologue. Un type qui peut
vous bassiner pendant des heures sur les multiples qualités de la Tante Arie ou
longuement vous cassez les oreilles à propos des différentes variétés de
Vouivres ou de Dames Vertes. Je ne vais
pas vous mentir : Féericologue est un métier de fieffé bavard. C’est aussi une
profession qui intrigue. Oui l’étude des fées, des elfes et des petits
bonshommes à chapeau rouge passe pour parfaitement incongrue aux yeux de
beaucoup de gens. Souvent, ici ou là, après m’avoir entendu conter de vieilles
légendes faramineuses, on me pose la sempiternelle question. La question qui tue. On me demande si je crois vraiment à l’existence du peuple
féerique, si j’ai déjà vu, aperçu, quelques uns de ses membres. Oh ! Je ne
suis pas dupe, ceux qui m’interrogent sur ce sujet sont neuf fois sur dix des
rieurs. Des incrédules qui ont juste
envie de jauger mon degré de folie douce.
Un
type qui croit aux fées ou un autre qui construit une tour Eiffel en
allumettes, pour eux c’est du pareil au même. Ils ont envie de l’inviter à diner
juste pour amuser leurs copains notaires ou banquiers. Je n’en fais pas une
affaire car voyez-vous il m’arrive moi-même de convier sous mon toit des publicitaires
pour voir de près à quoi ressemble des gens sans scrupules..
Aussi
quand on me pose la fameuse question sur l’existence des fées. Je n’y vais pas
par quatre chemins. Je ne cherche pas à noyer le poisson, à tourner autour du
pot ou à m’en sortir par une pirouette. Même si je passe pour un hurluberlu ou un
aimable fada, le « Bernard Soubirous » de la Franche-Comté, je dis la
vérité toute crue. Je dis « oui ». En toute conscience, je dois répondre par
l’affirmative : oui, j’ai déjà vu un
être féerique. Vu de mes yeux vu. A
vous dire le vrai, je n’ai aucun mérite à cela. Je ne l’ai même pas vraiment
cherché. Je n’ai mené aucune quête du graal. Pour cela : Je ne suis pas parti vagabonder sur les vertes
collines d’Irlande, je n’ai pas été me
perdre dans les brouillards d’Ecosse. Non, je n’ai consulté aucun vieux
grimoires, prononcé aucune formules magiques. C’est venu tout seul, presque naturellement.
J’ai presque un peu honte à le dire mais cette aventure féerique n’a rien de très spectaculaire, je suis tombé
dessus, un matin où je partais faire une balade dans la forêt. Et, ce jour-là,
j’ai rencontré un elfe !
Je
sais bien que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Que parfois il vaut
mieux tenir sa langue après l’avoir tourné au moins sept fois dans sa bouche.
Je sais tout cela. Je devine même
d’avance que la chose vous semblera à coup sûr des plus saugrenus. Mais tant
pis je persiste et je signe : Entre juin 1998 et décembre 1999, j’ai
régulièrement aperçu un être mystérieux. Un elfe, un monsieur fée. Il se tenait
toujours au même endroit, à quelques enjambées de ma maison. A la longue, c’est
devenu comme une sorte de voisin.
La
première fois. La première rencontre. J’ai tout de même été un peu dérouté. Déboussolé. Tourneboulé. Je me suis arrêté net au
beau milieu du chemin. Et je suis resté là, à le regarder sans rien comprendre.
Ensuite à chaque fois ce fut toujours le même moment extraordinaire et déconcertant.
Le
plus étrange c’était qu’il m’apparaissait très distinctement à peine nimbé d’un
halo lumineux. C’était un elfe vêtu de
gris, encapuchonné dans une longue cape. Assis au bord du chemin, il semblait
se reposer ou attendre quelqu’un. Un jour, j’ai même osé faire une photo. Oui,
j’ai une photographie d'un elfe ! C’est une mauvaise photo en noir et blanc. Prise à une
vingtaine de mètres. Alors bien sûr, on ne voit que sa silhouette mais c’est
bien lui. L’Elfe assis. Oui comme je ne connais pas son vrai nom, c’est comme
çà que je l’appelle. L’Elfe assis.
Je
dois vous préciser une chose importante. Il existait une lisière, un point très
précis sur le chemin à partir duquel l’enchantement disparaissait. Dés que je
franchissais cette frontière magique, l’elfe se métamorphosait en une souche
terreuse et déracinée.
Un
jour enfin, j’ai pris le chemin sylvestre comme d’habitude mais c’en était finit. Le charme
n’opérait plus. L’Elfe n’était plus là. Peut-être l’avais-je déçu avec mon obsession
de vouloir toujours l’approcher d’avantage ? Peut-être ou peut-être pas. Il
ne m’a rien dit. Ce n’était pas un elfe
du genre causant.
Aujourd’hui,
j’espère, sans impatience, qu’un de ces jours, il reviendra faire un petit
séjour dans le coin. Cette fois, je le promets, je ne tenterais pas de
m’approcher trop près. Et même, je ne dirais à personne que je l’ai vu. Juré, craché et doigts croisés. Parole de
conteur !