vendredi 14 mars 2014

La première fée du printemps




C’était comme çà tous les ans. En tous cas depuis qu’il était vivant, Sylvain Dubois  s’était toujours fait la même réflexion. Entre les colchiques et les perce-neiges, il ne se passait jamais rien de vraiment intéressant. C’était le triste temps de l’endormissement. Entre les colchiques et les perce-neiges plus aucune merveille ne fleurissait. C’était le temps blanc ou rien ne s’inscrivait sur le grand livre des enchantements. Ce n’était que des jours et des nuits qui s’enchainaient les uns aux autres pour former un long  collier d’ennui. C’était un temps morose où les fées et les lutins se réfugiaient dans les vieux livres. Une sorte d’hibernation littéraire. Une longue villégiature dans le papier jaunit et les gravures sur bois.  C’était comme çà, chaque année, fées et lutins avaient un irrésistible besoin d’une cure de poussières. D’un grand bain de vieilleries et d’autrefois. On ne pouvait leur en vouloir c’était dans leur curieuse nature.
Aussi, entre les colchiques et les perce-neiges, Sylvain Dubois prenait son mal en patience. Devant les flammes dansantes de sa grande cheminée, le vieux bonhomme relisait les contes de Grimm et de Perrault, ceux d’Andersen et mêmes les fantaisies de Lewis Carroll. Son esprit si gourmand de merveilleux les dévorait comme des sucreries. Pour lui, tous ces livres d’histoires magiques étaient un peu comme de la féerie en boite. Du fantastique en conserve. Il attendait avec impatience de pouvoir en gouter du tout frais  encore nimbé de la rosée du matin. Sylvain  Dubois était un homme assez étrange qui se nourrissait exclusivement de féerie. Oui, pour lui  ni hamburger, ni  petit salé aux lentilles  ou salade de soja, Sylvain ne mangeait que de l’éthérée : des contes de fées.
Et puis voilà, ce matin, enfin ! Premier jour du printemps.  L’air sentait le différent. Il y virevoltait un petit parfum d’étrangeté sauvage.  La magie repointait son joli petit nez pointu. Sylain Dubois avait les yeux écarquillés. Sur un vieux piquet de clôture. Un long bout de bois tout vermoulu, tout poilus de lichen gris. Oui, tout en haut de ce trône improbable se tenait assise une minuscule demoiselle. Une gamine de la race des fées. Une donzelle miniature avec des ailes blanches et une petite robe toute dorée.  Là presque devant chez lui. A l’entrée du champ des vaches, il voyait enfin… la première fée du printemps !
Chaque année, voir sa première fée lui faisait toujours un drôle d’effet. Sylvain Dubois avait beau avoir 75 printemps, il restait toujours aussi émerveillé par cette apparition enchantée.  Ma foi, vous serez sans doute d’accord avec moi pour pensez que  ce n’est pas tout le monde qui voit des fées.  C’est vrai quoi ? , vous et moi, nous voyons des facteurs familiers, des médecins faméliques, de blanches pharmaciennes, des boulangères callipyges,  mais des fées ou des lutins, on n’en rencontre pour ainsi dire jamais. Pour nous, les fées et les lutins ce n’est que de la rumeur, du ouï-dire. Du p’t-être bin qu’oui ou p’t-être bin que non. Alors que pour Sylvain Dubois c’est du vrai de vrai. Pour lui les créatures magiques sont bien plus réelles que les présidents de la Républiques ou les  présentatrices de la météo qu’il voit parfois à la télévision et qui eux n’ont pas l’air d’exister vraiment. Enfin pas plus que des personnages de dessins animés.
Ce premier jour de printemps Sylvain Dubois s’est approché tout doucement de la petite fée assise sur le piquet de clôture. Elle était encore un peu chiffonnée d’avoir passé tout  l’hiver dans un vieux livre. Elle s’appelait Clarine,  elle était de la famille des fées-clochettes. Celles qui sont chargé de réveillées les primevères et d’annoncer aux vieux arbres que le printemps est revenu. Sylvain la trouvait très jolie. Presque aussi belle qu’un fin rayon de soleil. Quand il s’estavancé,  elle l’a repéré du coin de l’œil mais ne s’est pas envolé.  Ce n’était pas tout les jours qu’un être humain la voyait vraiment. D’ordinaire ces gens-là sont tellement occuper à  gagner de l’argent ou à détruire l’environnement qu’ils ne voient pas les fées.  Leurs yeux se sont tellement habitués à la laideur, qu’ils ne savent plus repérer le merveilleux et la beauté.  Sylvain Dubois   lui était un cas particulier. Une rareté du genre humain. Cet homme- là avait gardé son cœur d’enfant. Alors Clarine, la petite fée, s’est posé sur son épaule et le vieux bonhomme et la jolie fée sont partis tous les deux faires une longue promenade comme deux bons amis. C’était le printemps et le retour des enchantements.
Chers lecteurs  permettez-moi un amical conseil : Les jours qui viennent en vous promenant dans la campagne ouvrez grands les yeux et peut-être que vous aussi vous aurez la chance de voir voleter dans l’air une petite fée de printemps. Soyez vigilent car c’est un moment à ne pas rater !

samedi 8 mars 2014

La fumée verte

 

C’était il y a quelques années. Un beau soir de fin été.  Peu à peu les oiseaux d’alentour avaient finit de se souhaiter une bonne nuit. Un doux silence régnait maintenant sur la campagne.  Il faisait bon. Les infatigables grillons nocturnes ne s’étaient pas encore mis à chanter. Les premières étoiles apparaissaient dans le ciel bleu sombre pour y dessiner des constellations qu’on n’avait encore jamais remarqué.   Un tout petit vent léger parfumait l’air de senteurs sucrées. Çà sentait le miel et la framboise.  Par un soir pareil, personne n’avait envie de   s’enfermer dans une maison.  Personne n’avait envie d’aller dormir, de peur que demain la vie semble moins belle. Moins vivante. C’était il y a quelques années.  Aux temps des grandes vacances. Du farniente. Un de ces soirs terrestres qui nous fait croire aux douceurs du paradis. Un de ces soirs magiques qu’on aimerait pouvoir vivre éternellement.
Comme tous les autres habitants de la région, François Frechard profitait de ces instants si précieux.  Pour tout vous dire, c’était bien rare qu’il délaisse sa télévision mais cette fois-là même lui avait sentit que c’était un soir d’été à ne pas rater. Assis sur un vieux banc de pierre devant sa maison, il contemplait en solitaire les derniers feux du soleil qui se couchait derrière les collines. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait assisté à quelque chose d’aussi merveilleux. François Frechard resta encore un bon moment sur son banc  à rêvasser. Et puis, il  allait tout de même se décider à rentrer chez lui quand son regard se posa sur le grand champ qui faisait face à sa maison. Là,  imperceptiblement une sorte de fumée est apparut. Une fumée verte s’est dressée au beau milieu de cette grande prairie d’herbes sauvages. Elle s’est mise à danser, presque certaine de pas être vu. Pourtant François Frechard  l’observait. Il la mangeait du regard. C’était si inattendu, si surprenant. Il n’avait jamais vu une chose comme çà. Même dans sa télévision. En dansant cette drôle de fumée prenait de vagues formes féminines.   C’est alors que la fumée verte a augmenté la dose d’extraordinaire. Dans l’air du soir, elle a tout doucement murmuré : François...François…. en entendant son prénom l’homme s’est levé de son banc comme un automate.  L’air encore plus ahuri qu’à l’ordinaire, François a commencé à se diriger vers la prairie. Là où de l’incroyable l’appelait.
C’était il y a quelques années. Un beau soir de fin été. Dans la prairie une fumée verte dansait près d’une petite mare. Parfaitement immobile sur le muret en pierres du jardin, un chat la regardait. L’observait de ses yeux malins.  Un chat noir qui s’appelait Pissenlit. Ce chat n’était pas né de la dernière pluie. C’était un vieux chat qui avait déjà vécu plusieurs vies. Cette curieuse fumée verte, le matou savait ce que c’était. Il en avait déjà vu. Et bien des fois. Il faut le savoir, concernant les phénomènes étranges de notre monde, les chats sont souvent  plus instruits que les humains. Les chats sont plus observateurs.  L’animal à moustaches regardait son maitre se diriger comme un somnambule dans la direction de la fumée verte. Pissenlit aurait bien aimé lui expliquer, lui dire que c’était surement dangereux de s’approcher. Mais il était déjà trop tard, François Frechard était à deux pas de la petite mare. Ma foi, ce n’était pas tous les soirs qu’on pouvait rencontrer un esprit follet. Bien des hommes ne vivront jamais d’aventures aussi fabuleuses. Ces créatures fantasques ne se montrent pas si souvent. Les Follets n’aiment guère la compagnie des humains. Pour eux les humains d’aujourd’hui sont trop balourds, trop réel, trop terre à terre. Ils ont du mal à croire aux créatures surnaturelles.  François n’a même pas ralenti quand il a marché sur un sol marécageux. Une terre molle où François s’est enfoncé peu à peu alors que la fumée verte dansait joyeusement autour de lui. Maintenant il était définitivement  piégé. Il lui semblait qu’on le tirait par les pieds, que de petites mains glacées l’attiraient dans les profondeurs. L’air hébété, il ne se débattait même pas. Alors en moins de cinq minutes cet homme disparut de la surface de la terre.  C’est ainsi que François Frechard connu son dernier soir d’été. Plus tard, bien plus tard, son cas fut classé par la gendarmerie dans la catégorie des disparitions inexpliquée. Contre toute attente François Frechard  devint un mystère. Personne au village  n’a jamais sut ce qui lui était arrivé sauf un témoin du nom de Pissenlit mais les gendarmes n’ont pas daigné l’interroger.
C’est bien dommage car Pissenlit, je peux en témoigner, est un sacré raconteur d’histoires...