Dans
le panthéon merveilleux de Franche-Comté, il existe toutes sortes de créatures.
Bonnes ou mauvaises. Belles ou affreuses. Il en est de très connues, de très célèbres, comme la Vouivre, les Dames Vertes, les Foultots ou Tante Arie mais on y compte aussi des êtres plus obscurs. Des personnages
au caractère malicieux et mystérieux dont le souvenir a aujourd’hui presque totalement
disparu. Heureusement pour vous, je suis là pour vous entretenir de choses dont
la plupart des gens d’aujourd’hui se contrefichent. Je suis là pour vous rappeler que la vie est
aussi faite de magie et de mystère. Que l’existence ne se résume pas uniquement
à l’économie, la crise et le prix du diesel. Qu’il existe des choses bien plus
fascinantes que le dernier bouquin de
Marc Lévy ou la dernière chanson de Pascal Obispo. Oui, je sais, c’est
difficile à croire.
Par
exemple, il existe un être fabuleux dont personne, j’en suis presque certain, ne vous a jamais parlé. On l’appelle parfois l’esprit des champs ou l’Herbeux
mais son nom le plus courant c’est
le Nazent. Oui le Nazent était autrefois presque aussi répandu en Comté que les
graviers dans un sac de lentilles.
Le
Nazent commun était comme une espèce de poupon. Vous savez, un de ces petits bébés en celluloïd dont
raffolaient les petites filles d’autrefois. Seulement le Nazent était un poupon
très particulier, un poupon sauvage. Son corps potelé se trouvait entièrement
recouvert de longs poils verts. Des poils qui ressemblaient à des touffes
d’herbes. De mauvaises herbes ! Cette particularité physique lui permettait
d’être particulièrement discret. Ainsi quand il s’allongeait dans un champ ou
une prairie, on pouvait passer juste à côté de lui sans soupçonner sa présence.
Le Nazent était comme invisible. Il avait deux petits yeux aussi ronds et
jaunes qu’un pistil de pâquerette. Il me faut toutefois vous préciser une chose
à propos de ces êtres fantastique. Une chose un peu délicate à dire. A vous parler franchement, les Nazents sont un
peu nazes. Quand je dis « naze »
je veux dire un peu stupides. Pas très développé du côté de la cervelle.
Le Nazent moyen était comme on dit « Bête à manger du
foin ! ». D’ailleurs il en
mangeait. Le Nazent avait la particularité d’être un herbivore. Et
dans un sens ce fut la cause
principale de sa disparition.
Vous
aurez sans doute notez que je parle du Nazent plutôt au passé. C’est hélas le
cas pour la grande majorité de ces paisibles créatures. Ils sont passés, voir
trépassés. On peut même affirmer que la plupart d’entre
eux connurent une fin particulièrement tragique. C’est hélas souvent le cas
pour les peuples de nature pacifique. A ce qu’on en sait, seuls quelques rares
spécimens survivent encore de nos jours dans les endroits les plus sauvages de la
Comté. Là où les hommes ne s’aventurent que très rarement. La où la nature ne
se voit pas trop bouleversé par l’urbanisme galopant ou l’agriculture
intensive. Car vous l’aurez surement deviné
les hommes furent les grands prédateurs des Nazents. En toute justice, il
convient toutefois de préciser qu’Ils ne
le firent pas vraiment exprès. Les Nazents ne furent pas décimés comme les
bisons ou les loups. On ne pratiqua aucune chasse intensive contre eux. On ne
fit pas de battues, aucun trappeur ne posa de pièges avec l’idée fixe de se débarrasser d’eux. Non, ce fut encore plus navrant que cela. L’ironie
de leur histoire c’est que les hommes éradiquèrent les Nazent par
accident. Oui, ce ne fut pas un acte volontaire. A dire vrai, la plupart d’entre eux ne s’en rendit même pas compte.
Je
vous l’ai dit le Nazent est herbivore et ce fut là son drame. Lorsque les
hommes prirent l’habitude de planter du gazon autour de leurs maisons. Le
Nazent s’en montra particulièrement gourmand. Oui, une fois qu’il eut goûté à
la pelouse des hommes le Nazent en devint dingo. Il abandonna presque toute
autres nourriture.
Comme
Les Nazent sont un peu caméléon quand il s’agit de matières végétales. Ils
colonisèrent bien vite les pelouses des
quartiers pavillonnaires. Ils se couchaient dans le gazon et devenaient tout à
fait invisible. Ainsi ils pouvaient tout à loisir se régaler de cette herbe
nouvelle qu’ils trouvaient si savoureuses. Cette attitude comportait hélas de
gros risques…
Ainsi
d’après les historiens des peuples fabuleux, Les Nazent semblent avoir presque totalement
disparut des lors que fut inventé la tondeuse à gazon. Et il est à craindre qu’une grande majorité
d’entre eux terminèrent leur merveilleuse existence sous forme de composte.
Personnellement je suis pour
l’éradication totale des débroussailleuses et des tondeuses à gazon. Sans ces
machines imbéciles les Nazent ne serait pas en voie de disparition. Alors aux
printemps prochains, faites un bon geste ne tondez plus vos pelouses car vous
risquez peut-être de mettre en danger des
êtres légendaires! ’