Chercheur
de champignons est une activité dont on ne perçoit pas toujours le côté
aventureux. Oui, c’est sûr, çà ne saute pas aux yeux du premier coup. On croit
le plus souvent que c’est un passe-temps pépère, réservé aux joueurs de dominos
ou aux collectionneurs de boites de camembert. Et bien…pas forcément. Un chercheur
de champignons peut au cours de sa carrière mycologique se voir confronté à des
situations particulièrement étranges. Grisé par sa traque de chanterelles ou de
pieds de moutons, il peut s’enfoncer profondément dans les coins les plus
sauvages de la forêt. Là où mêmes les chasseurs les plus intrépides n’iront
jamais se fourrer. C’est dans ces lieux écartés que surgit parfois l’évènement extraordinaire.
L’événement qui marquera à jamais toute son existence de chercheur de
champignons.
Ce
fut précisément le cas pour François Clément. Un habitant du petit hameau de Belverte. Un familier de la forêt de
la Faye. Un mycologue amateur, très friand de Coulemelles et d’Amanite des césars. En ce mois d’octobre
1983, François Clément furetait d’une
futaie à l’autre sans parvenir à remplir le fond de son panier. Sa récolte n’allait
pas être bien fameuse. Tout juste de quoi faire une petite omelette. Enfin, en
chercheur de champignon expérimenté, François savait que la chance vient parfois vous
surprendre à l’instant précis où l’on n’y croyait plus. On était jamais à l’abri
de tomber brusquement sur le rond gris-noir d’une colonie de Trompettes des morts.
François
Clément sillonnait les bois depuis plusieurs heures quand son regard fut attiré
par un spectacle insolite. Devant lui se dressaient deux arbres presque jumeaux
qui formaient une sorte de porche en pleine forêt. A deux mètres au-dessus du
sol, leurs branches s’enlaçaient harmonieusement ce qui créait l’illusion de se
retrouver face à une espèce de porte naturelle. En s’approchant, François
remarqua que le lierre grimpait sur leurs troncs comme un serpent à plumes.
Enfin, c’est l’étrange image qui lui vint à l’esprit. François Clément ne
savait pas qu’il fallait se méfier de certaines bizarreries forestières. Qu’il
existait ici ou là, des passages mystérieux qui conduisent vers d’autres
mondes. François ne sut résister à la tentation, il se faufila entre les deux
arbres sans se douter une seconde qu’il franchissait une porte enchantée. Il fit deux pas à peine puis il perçut une
belle et étrange musique qui venait du fond des bois. Une musique qui semblait
l’appeler…
La
musique se faufilait entre les arbres. Elle dansait. Et François Clément était
irrésistiblement attiré par cet air joyeux et mystérieux. Il ne connaissait pas ce coin de la forêt de
la Faye. Il marchait un peu incrédule, son panier à champignons sous le bras. Au bout de quelques minutes, il quitta le
couvert des bois pour déboucher dans un pré ou plutôt un grand verger. Il
s’avança au milieu de petits arbres étonnants.
Des espèces de pommiers nains chargés de belles pommes vertes ou
oranges. Au bout du verger, il
apercevait une maison basse. C’est de là, lui semblait-il, que s’échappait la délicate
musique. Il ne la distinguait pas très bien car le soleil déclinant
l’éblouissait. Tout autour de lui le paysage se parait d’une curieuse lumière
dorée. Même le silence lui paraissait curieux. Pas la moindre rumeur au loin,
ni voiture, ni train, ni avion. Rien que cette douce musique. Avant d’atteindre
la maison, son regard s’est posé sur le sol. Il a eut l’air intrigué. Il s’est
penché et il n’en revenait pas. Tous les trèfles qu’il venait de fouler étaient
des trèfles à quatre feuilles. Un véritable champ d’herbe à chance !
Épaté, François en cueillit un brin et le glissa à sa boutonnière. Puis, en
contournant la maison, il découvrit enfin la maîtresse des lieux.
C’était une grande femme blonde qui chantait
et dansait dans son jardin. François eut l’impression qu’ autour d’elle les
fleurs s’agitaient en cadence. La dame en l’apercevant lui fit bon accueil.
Comme sa très grande beauté l’impressionnait, François lui demanda très vite en
bafouillant un peu si elle pouvait lui indiquer le chemin du village. Elle lui
répondit qu’il devait refaire le chemin inverse et passer au milieu des deux
arbres jumeaux à reculons. Après il devrait facilement retrouver sa route. Comme
François s’apprêtait à repartir après l’avoir remercié. La dame blonde regarda
le fond du panier du chercheur de champignon. Elle eut un petit sourire
malicieux et sortit de sa poche un sachet de graines qu’elle lui tendit en lui
conseillant de les semer tout de suite en arrivant chez lui. Un petit cadeau
pour qu’il se souvienne de leur rencontre, lui souffla-t-elle.
Plus tard François a bien essayé de retrouvé
le chemin qui conduit chez la Dame blonde mais il n’y ait jamais parvenu. Même
en franchissant l’étrange porte formée par les arbres jumeaux. Alors, le
chercheur de champignon a comprit la leçon : On ne décide jamais d’aller dans l’Autre-Monde c’est toujours lui qui
vient nous chercher.
Si, un de ces jours, vous passez par Belverte,
vous reconnaîtrez facilement la maison de François Clément. C’est la seule où dans le jardin au lieu de
fleurs poussent des champignons !
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