Les Vieux Conteurs comtois disent « Comme la danse joyeuse des mouches, le soir sur l’eau, prédit le beau temps pour le lendemain ; la danse légère de la Vogeotte au-dessus de la rivière annonce que quelqu’un doit bientôt s’y noyer ! ».
La Vogeotte personne ne la vraiment vu mais tout le monde la connaît. Elle est verte. Verte comme une grenouille. Une grenouille qui serait plus jolie que la plus jolie des filles de la Comté.
Nous, les garçons, les hommes, on va parfois se pencher au-dessus de l’onde, on reste là, au bord de la rivière: des heures, des jours, des nuits de pleine lune. Et parfois, on la voit. On la devine sous l’eau, dans les algues. Verte et Nue.
Alors oui, on est pas mal au pays à être tombé à l’eau. Y’a eut des enrhumés, des moqués. Un ou deux presque noyés.
Chez moi, quand quelqu’un, en nageant « boit la tasse », on dit « il a embrassé la Vogeotte ». Si tu craches dans la rivière, on te dit « tu fais pleurer la Vogeotte ! » Et les vieux racontent que celui qui pisse sous le pont de la Vogeotte, risque de mourir noyé au prochain hiver (et dans deux ou trois cas, c’est peut-être arrivé).
Les filles, les femmes de chez nous colportent d’autres histoires. Des peurs. Cette fée, au bas de la robe toujours mouillé, les rend nerveuses. Et leurs langues font les vipères ! De génération en génération, elles se transmettent, de mère en fille, la crainte de la Vogeotte. Bien sottes et bien méchantes, elles prétendent que la Dame Verte du ruisseau ne serait rien qu’une Bête. Une mauvaise fée. Une noyeuse d’enfant…
Il serait temps, de couper la langue à trop de rumeurs calomnieuses et vieilles menteries d’épouses jalouses !
Sans doute, si on l’agace un brin, la Vogeotte peut se métamorphoser en Bête crochue et grenouillesque. Pleine de mains palmées et de méchanceté rouge dans les yeux. Une Chose gluante, une qui a le hoquet ! Une qui bave comme un chien galeux ! Une gesticulante qui siffle en s’approchant de vous. Une Bête à faire mourir de peur. Une Bête Verte !
L’histoire de cette peur est toute bête. Elle est née d’une glissade. D’un « plouf ! ».
Cette fois là, la Vogeotte, petite fée humide, tirait la langue pour boire la pluie. Elle vivait des instants ruisselants où l’averse grise déformait le paysage. La fée aimait cette pluie sauvage qui fouettait sa rivière. Mais au beau milieu des clapotis, giclures, glouglouglous, ploc et plic, goutte à goutte, gifles de vent et gargouillis incessants… un murmure mouillé a couru jusqu’à ses oreilles légèrement pointues. On pleurait !
Là, tout près d’elle, dans le brouillard pluvieux. A quelques mètres, à peine, une petite fille imprudente avait glissé. Elle était tombée à l’eau. Et voilà dix siècles au moins ! Qu’elle tentait, sans succès, de remonter sur la rive. Elle pleurait.
La Vogeotte n’eut aucun mal à la hisser sur la terre ferme. La pauvre petite l’avait échappé belle. Mais voilà que contre toute attente la gamine, sans doute inquiète de se faire gronder, se dresse d’un bond et se met à crier, à hurler : « La Vogeotte a voulu me noyer ! ». La sale peste.
A grandes enjambées, elle court jusqu’à chez elle, et bientôt le feu de la rumeur va enflammer toutes les maisons. « La Vogeotte a voulu me noyer ! » Sa figure ruisselante et ses mains terreuses font croire à son affreux mensonge. A la dernière goutte de pluie, la Vogeotte était devenue une bête malfaisante. Une Croquemitaine ! Ce jour là, armées de faux, de fourches, de pierres pointues et d’injures franc-comtoises, toutes les mères du village ont longé la rivière. Avec le noir espoir d’y tuer la féerie.
Elles y sont revenues. Encore et encore. Et toujours, la petite fille criait la plus forte. Même grande. Même mère de quatre enfants, elle criait inlassablement la même chanson.Vieille, presque morte, elle n'en démordait pas et crachotait toujours: "La Vogeotte a voulu me noyer". Oh! par bonne chance, la jolie fée verte ne fut jamais attrapée.
Aujourd’hui toujours, dans sa petite rivière, elle tire la langue les jours de pluie. Peu rancunière, elle se dit que sans ce mensonge, peut-être l’aurait-on oublié ?
Entre Cuse et Adrisans, dans le Doubs, il existe un petit pont, c’est là que se cache la Vogeotte. Dans ce coin-là, si vous questionné les habitants, il y a bien des chances pour que les vieilles comtoises vous disent encore « la Vogeotte est armée de longs crochets avec lesquels elle saisis les vêtements des enfants qui vont se promener trop près de la rivière. Elle les attire dans l’eau et elle les donne à manger à ses poissons ! ».
La petite fille de l’histoire, la petite peste ! Je ne vous l’ai pas dit ? C’était… mon arrière- grand-mère… !
Nous, les garçons, les hommes, on va parfois se pencher au-dessus de l’onde, on reste là, au bord de la rivière: des heures, des jours, des nuits de pleine lune. Et parfois, on la voit. On la devine sous l’eau, dans les algues. Verte et Nue.
Alors oui, on est pas mal au pays à être tombé à l’eau. Y’a eut des enrhumés, des moqués. Un ou deux presque noyés.
Chez moi, quand quelqu’un, en nageant « boit la tasse », on dit « il a embrassé la Vogeotte ». Si tu craches dans la rivière, on te dit « tu fais pleurer la Vogeotte ! » Et les vieux racontent que celui qui pisse sous le pont de la Vogeotte, risque de mourir noyé au prochain hiver (et dans deux ou trois cas, c’est peut-être arrivé).
Les filles, les femmes de chez nous colportent d’autres histoires. Des peurs. Cette fée, au bas de la robe toujours mouillé, les rend nerveuses. Et leurs langues font les vipères ! De génération en génération, elles se transmettent, de mère en fille, la crainte de la Vogeotte. Bien sottes et bien méchantes, elles prétendent que la Dame Verte du ruisseau ne serait rien qu’une Bête. Une mauvaise fée. Une noyeuse d’enfant…
Il serait temps, de couper la langue à trop de rumeurs calomnieuses et vieilles menteries d’épouses jalouses !
Sans doute, si on l’agace un brin, la Vogeotte peut se métamorphoser en Bête crochue et grenouillesque. Pleine de mains palmées et de méchanceté rouge dans les yeux. Une Chose gluante, une qui a le hoquet ! Une qui bave comme un chien galeux ! Une gesticulante qui siffle en s’approchant de vous. Une Bête à faire mourir de peur. Une Bête Verte !
L’histoire de cette peur est toute bête. Elle est née d’une glissade. D’un « plouf ! ».
Cette fois là, la Vogeotte, petite fée humide, tirait la langue pour boire la pluie. Elle vivait des instants ruisselants où l’averse grise déformait le paysage. La fée aimait cette pluie sauvage qui fouettait sa rivière. Mais au beau milieu des clapotis, giclures, glouglouglous, ploc et plic, goutte à goutte, gifles de vent et gargouillis incessants… un murmure mouillé a couru jusqu’à ses oreilles légèrement pointues. On pleurait !
Là, tout près d’elle, dans le brouillard pluvieux. A quelques mètres, à peine, une petite fille imprudente avait glissé. Elle était tombée à l’eau. Et voilà dix siècles au moins ! Qu’elle tentait, sans succès, de remonter sur la rive. Elle pleurait.
La Vogeotte n’eut aucun mal à la hisser sur la terre ferme. La pauvre petite l’avait échappé belle. Mais voilà que contre toute attente la gamine, sans doute inquiète de se faire gronder, se dresse d’un bond et se met à crier, à hurler : « La Vogeotte a voulu me noyer ! ». La sale peste.
A grandes enjambées, elle court jusqu’à chez elle, et bientôt le feu de la rumeur va enflammer toutes les maisons. « La Vogeotte a voulu me noyer ! » Sa figure ruisselante et ses mains terreuses font croire à son affreux mensonge. A la dernière goutte de pluie, la Vogeotte était devenue une bête malfaisante. Une Croquemitaine ! Ce jour là, armées de faux, de fourches, de pierres pointues et d’injures franc-comtoises, toutes les mères du village ont longé la rivière. Avec le noir espoir d’y tuer la féerie.
Elles y sont revenues. Encore et encore. Et toujours, la petite fille criait la plus forte. Même grande. Même mère de quatre enfants, elle criait inlassablement la même chanson.Vieille, presque morte, elle n'en démordait pas et crachotait toujours: "La Vogeotte a voulu me noyer". Oh! par bonne chance, la jolie fée verte ne fut jamais attrapée.
Aujourd’hui toujours, dans sa petite rivière, elle tire la langue les jours de pluie. Peu rancunière, elle se dit que sans ce mensonge, peut-être l’aurait-on oublié ?
Entre Cuse et Adrisans, dans le Doubs, il existe un petit pont, c’est là que se cache la Vogeotte. Dans ce coin-là, si vous questionné les habitants, il y a bien des chances pour que les vieilles comtoises vous disent encore « la Vogeotte est armée de longs crochets avec lesquels elle saisis les vêtements des enfants qui vont se promener trop près de la rivière. Elle les attire dans l’eau et elle les donne à manger à ses poissons ! ».
La petite fille de l’histoire, la petite peste ! Je ne vous l’ai pas dit ? C’était… mon arrière- grand-mère… !
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