Là-bas,
il y a longtemps. Dans un coin de la Comté qu’on nomme le Pays des Lacs. Il y
avait une jeune fille. Une très belle. Avec
de grands yeux noirs. Et de longs cheveux sauvages. Une qui s’appelait Justine.
Sur les petits sentiers qui serpentent dans les collines, elle se promenait souvent à la tombée du
soir. Elle fredonnait. Un petit chant mélancolique.
Une douce complainte qui se mélangeait à l’air du soir. La belle Justine avait
un secret. Un bien étrange secret.
Là-bas,
chez elle. Dans son village, dans sa famille. Personne ne le sait mais cette jeune
fille est amoureuse. Oh ! Vous me direz c’est une chose qui arrive assez
souvent. Pour une jeune fille être amoureuse c’est une bonne maladie. Etre amoureuses pour les filles de vingt ans c’est
dans l’ordre des choses. Ça leur donne de belles couleurs aux joues. Seulement
voilà cette jeune fille est tombée en amour pour quelqu’un de très particulier.
Quelqu’un d’insaisissable. Quelqu’un qu’on ne présente pas facilement à ses
parents. Justine est amoureuse du vent.
Oui, le vent. Elle l’aime. Elle en est folle. On pourrait lui dire
n’importe quoi, rire d’elle, la menacer de l’enfermer dans un asile ou un
couvent ; Justine ne changerait pas
d’avis. Elle n’écoute que son cœur. Et
son cœur lui souffle un fol amour pour le vent.
Etre amoureuse du vent n’est pas une situation
facile à vivre, ce n’est pas le genre de fiancé que les autres jeunes filles
vous envient. Le vent on se méfie de lui, le vent c’est le dieu des nomades,
c’est lui qui les guide et les pousse sur les routes. Le vent n’a rien du
gendre idéal.
Quand
certaines nuits, couchée dans son lit, elle l’entendait chanter. Justine ne
pouvait pas résister à cet appel ; elle se levait et courait s’offrir à
lui. Elle sortait dans la campagne et dansait, pieds nus, sous le clair de lune. Elle dansait en
tourbillonnant. Elle fermait les yeux et
sentait son bien-aimé la prendre dans ses bras. Elle frissonnait. Les noctambules qui la surprenaient durant ces
moments là racontaient ensuite que
Justine était folle, qu’elle avait du
vent dans la tête. Quand on lui rapportait leurs paroles, la jeune fille ne
pouvait s’empêcher de rire. Ce qui ne l’empêchait nullement de retourner danser
avec son singulier fiancé.
Pour
aimer le vent, il faut être aventureuse.
Justine
était sans doute la plus jolie jeune fille du Pays des Lacs. La plus attirante.
Mais de loin aussi la plus sauvage. Il
n’y avait rien d’étonnant à ce que les hommes lui tournent autour. Comme des
mouches au-dessus d’un vieux
fromage. ! rien d’étonnant, qu’ils
soient des douzaines de célibataires à vouloir l’épouser. Justine n’avait que
l’embarras du choix. Des bons gars, des beaux
garçons. Des fils de bonne famille. De riches héritiers. De jolis cœurs, deux
ou trois veufs Et quelques coureurs de jupons. Mais elle n’en a pas voulu. Elle
a dit non sans se lasser. Ces prétendants étaient bien trop balourds. Ils n’y avaient rien de légers en eux, rien
de fabuleux.
Oh !
bien sûr vous trouverez toujours ici ou là des vantards qui disent ne pas avoir
peur du vent. Mais ce sont des menteurs. Quand le vent se fâche vraiment, il leur glace les os, leur hérisse le poil et
leur fait claquer des dents. Ce prince de l’invisible est presque aussi redouté
que le Diable. Alors qu’une jeune fille puisse l’aimer cela dépassait
l’entendement.
Dans
le Pays des Lacs, les gens ont finit par la détester. À dire qu’elle était sorcière. Certaines
femmes lui lançaient des pierres quand il la voyait danser dans les champs.
L’existence de Justine devint encore plus solitaire. Les gens sont souvent
méchants en face des êtres qu’ils ne comprennent pas. Au bout du compte même ses parents ont finit
par s’éloigner d’elle, à la mettre à la porte de leur maison.
Justine pleurait souvent. Déjà toute enfant,
le vent venait la consoler. Sécher ses larmes, la couvrir de froid baisers. Les
bises du vent.
Là-bas,
on raconte qu’un jour de tempête, un soir de tourmente, Justine fut emportée, enlevée dans les airs.
Kidnappée par un grand tourbillon. On ne
l’a jamais revue. Elle disparue dans nues. Et depuis tout ce temps, on murmure qu’elle
vole dans les bras du vent. Elle vole et
elle rigole. Elle n’arrête pas de rire. Elle vole éternellement Justine est
heureuse. Amoureuse. Joyeuse.
Là-bas
dans le Pays des Lacs, où les gens raconte sa légende on la surnommé « la fiancée du vent ». Certaines
nuits d’hiver elle vient donner le tournis aux girouettes des toits. Parfois
elle va chuchoter dans le trou de serrures des maisons. Elle murmure des mots secrets qui font faire
de beaux rêves aux enfants. Des songes merveilleux qui les emportent loin
des lourdeurs de la terre.